samedi 18 février 2012

Page 2 (David M.)

[Compilation des épisodes de la semaine, formant la page 2 du texte de David M.]

La prédiction de Pieds Nuageux eut tôt fait de se réaliser. La nuit tomba alors que la muraille extérieure du monastère demeurait invisible. De peur de se perdre, les deux compagnons de voyage s’arrêtèrent et cherchèrent un abri. Ils firent la découverte d’une cabane abandonnée que les plantes avaient envahie. Chan Li Poum s’endormit vite, les bras toujours engourdis par la rossée qu’il avait reçue. Il rêva de son avenir au monastère. D’abord, il triompherait sans peine de l’impitoyable sélection, destinée à écarter ceux qui ne seraient pas dignes de l’accompagner dans son apprentissage. Il se faisait fort de traverser sans peine toute épreuve, qu’elle fît de force, d’agilité ou d’habileté.

Notre héros sourit dans son sommeil, songeant aux victoires qui paveraient sa route: l’éveil à vingt ans, la bouddhéité à vingt-deux - le statut de suprême à vingt-cinq. Il inspirera la terreur aux novices, l’envie aux puissants. Viendrait ensuite le temps de sortir de sa province pour passer les examens impériaux avec leur cortège de matières ingrates: botanique, ébénisterie, aqueduquerie - sujets dont il ignorait tout et dont il était sûr de tout connaître sous peu. Il était encore à rêver quand le jour parut et qu’il dut abandonner à regret cette vision merveilleuse.

Pieds Nuageux, son visage grave penché sur lui, le secouait par l’épaule. Le soleil était déjà haut dans le ciel. Le moine avait déjà emballé ses effets et lui tendait une mangue, dont Chan Li Poum fit son repas. Ils abandonnèrent leur cabane et reprirent leur route. Le moine tourna vers notre héros sa figure étonnée: “Où as-tu appris le gong fu de la guêpe? Je ne savais pas qu’on l’enseignait encore. L’effondrement du royaume des Lin a dispersé tous les maîtres de cet art ancien.”

Chan Li Poum demeura interdit un instant. Il croyait que le gong fu de la guêpe dominait en tous lieux - se serait-il trompé? Il se reprit très vite, se rassurant en regardant le moine. Que pouvait donc bien savoir ce mendiant? Il l’avait certes vaincu, mais c’est parce qu’il s’était laissé surprendre. Il répondit: “Je viens du district de Chaoyang, d’un petit village de fermiers qui n’a pas de nom - mais qui forme depuis toujours les plus grands maîtres. Zao Zao et Yin Huang-Lee sont nés chez nous. Et tous pratiquent le gong fu de la guêpe.” Le moine ne dit rien. Chan Li Poum continua: “La gouverneur a nommé chez nous un juge corrompu, l’infâme Lee. Il nous écrase d’impôts et impose à chaque famille de donner un fils à son armée. Seuls sont dispensés ceux qui sont lauréats d’un concours de fonctionnaires. Voilà pourquoi je cherche à rejoindre Shangri-La, pour y préparer les concours impériaux”.

Notre héros attendait une réponse, mais les hommes marchèrent longtemps en silence. Pieds Nuageux finit par se tourner vers Chan Lu Poum:

“- Et crois-tu que ces concours mettront fin à vos soucis? Pourquoi ne chassez-vous pas ce juge? Le moine soupira, regarda devant lui, et changea de sujet.

- Et ton gong fu du scarabée, d’où le tiens-tu?

- Un voyageur a séjourné chez nous et nous a proposé de payer son logement en leçons de gongfu.

- A quoi ressemblait ce voyageur?

- C’était un original, qui dormait tout le temps mais qui, quand il était éveillé, faisait sans cesse des grands bond,s proposant son aide à chacun.

- Portait-il une clef autour du cou, ce voyageur?”


(à suivre)

David M.

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