dimanche 1 avril 2012

Migration de ce blog

Chères lectrices, chers lecteurs,

Ce blog va être archivé. Mais l'expérience Neucfubes continue dans un nouveau blog, qui réunit toutes les équipes de joueurs. Nous vous donnons rendez-vous à l'adresse suivante:


"Persons attempting to find a motive in this narrative will be prosecuted; persons attempting to find a moral in it will be banished; persons attempting to find a plot in it will be shot."
Mark Twain

vendredi 9 mars 2012

Episode 25


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “"On continue cette descente harmonieuse vers le néant, avec néanmoins une partie stable et parfaite, le "six" constant et une autre partie qui s'érode à chaque jet..." Il l'interrompt: "Puisque nous somme deux, peut-être l'un des dés prédit-il mon avenir et l'autre le tien? Qui donc s'érode et qui demeure parfait?" "Ca ne marche pas comme ça, sourit-elle. Cela dit, tu as raison, tu devrais les lancer à ton tour."” (Charles M)


(Suite de l’histoire n°2) “Chan Li Poum trouva le puits qui donnait son eau au faubourg. Il y fit ses ablutions, sous le regard amusé des enfants du village. Le jeune paysan se demandait si ces vauriens l’avaient vu échouer au concours du Shangri-La et s’ils se moquaient de la mine déconfite qu’il avait alors. Prenant un air digne, Chan Li Poum reprit sa chemise, l’épousseta, et, droit comme un chêne millénaire, marcha vers les remparts qu’il n’avait pas eu le temps d’observer la veille. Alors qu’il s’approchait du mur pierreux, il entendait s’élever de l’enceinte du monastère les cris des novices qui commençaient leurs entraînements, qu’il imaginait mêlant jonglerie, hallebarderie, combats de sabres contre épées, de bâtons contre massues, tir à l’arc - il imaginait les vieux maîtres attentifs, enveloppant d’un regard bienveillant les progrès de leurs élèves, veillant au libre déploiement de ces jeunes forces qui façonnaient le gongfu de demain. Il fallait qu’il voie cela. Il eut l’idée d’un stratagème.” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “Et puis après : l'invasion. Des profanateurs de sépultures ? Laquelle ? Ah oui, déjà. Moi ? Vous me prenez en photo ? Prenez moi tout entière, prenez ma poitrine en photo. Mon absence de seins. Qu'ils sachent. Que tout le monde sache. J'ai été une biochimiste de renom vous savez ? C'est drôle non ? J'étudiais les médicaments contre le Ce Que C'est.
Vendredi. Un peu plus tard.
Mon sein gauche est devenu un pont vers mon sein droit et d'autres ponts vers l'ensemble de mon corps et organes, ma vulve, tout ce qui me fait femme, des villes tentaculaires, des choses à bubons ramifiés, des araignées, mon foie, des concerts, des légers putréfiés, ma salive même, c'est injuste. L'eau coule dessous et elle est très poissonneuse. J'ai bien conscience de ce qui se passe et j'ai bien appris durant mes cours et que l'on appelle cela métastases et que cela veut dire la fin plus que fontaine (je ne boirai plus d'eau).
On pourrait faire cela et être larmoyant. On pourrait dévier vers du pathos, de l'émotionnel, et des chevaux qui galopent en un peu un flou pendant qu'une mer charrierait de petits crustacés qui lutteraient dans un sable en premier plan sur une musique des violons et un ocarina, mais on l'a tant fait par le passé que ça tend dans le temps trop. On pourrait dire que "oh lala" ou me construire une épitaphe adéquate dans du marbre vert d'Estours ou "oh peuchère d'elle". Dans une chambre d'hôpital, un jeune homme finit sa courte existence la crâne cagneux en suffocant à la manière d'un athlète arrivé au terminus bus et arrimé sur un lit mécanique et des câbles collés de partout volant vers des cieux coaguleux cloaqueux. Son dernier râle est pour rien et sonne creux, ne rebondit pas, c'est un râle de feignant, un râle de pauvre, un râle de rien. La famille se regarde, souffre cette seconde, n'intègre pas grand chose : ça reste assez interrogatif, ça se suspend, l'espace-temps d'un instant. Il y a trop d'air dans la pièce car le jeune homme ne prend plus ses bouffées. Le quota d'oxygène inspirable est trop élevé car il ne tient pas compte encore de la disparition du corps et l'air pris. L'air en trop comble donc ainsi de décombres la chambre d'une pression trop forte et le beau temps anticyclonique se fait : il y a dans cette chambre une contradiction météorologique inadéquate qui prend la forme d'une canicule qui réussit à faire transpirer tout le monde à grosses gouttes par les yeux. On représente la fin triste par une pluie mais on devrait plutôt la représenter par un soleil radieux. La poésie, l'allégorie et la représentation sont si mauvaises scientifiques. Je sais où je vais, la direction m'est désignée d'un doigt gros et boudiné et comme à mon habitude, je compte les jours, j'égraine les heures, je file la laine de ce qui me retient. De dépasser l'armateur à droite ou à gauche.
Je souhaite un petit arbre ou un genêt, je souhaite qu'on m'y dépose. Je souhaite que le vent m’amène là, et là, et puis là, s'il vous reste encore quelques mémoires et de la petite place pour un souvenir à ma taille de biochimiste. Dites au Pléthore, mon aimant, que je ne lui en veut pas. J'aurais bien assez fait pareil. J'aurais coupé mon sein aussi pour lui. Avec un couteau électrique de cuisine et ça dès le début. Aller à la racine pour éviter que la greffe prenne et ainsi lui épargner la mutilation. Et les réflexions sur le fait de passer outre ou pas outre ou pas outre ou pas outre ou pas outre ou pas outre ou pas outre ou pas.
Je suis douce non ? Regardez-moi dans les yeux, je ne me mettrai pas à pleurer. Allez de l'avant. Prenez soin de vous.
Bisous.
Maman.

Les traitements à visée générale :
Ce type de traitement est préconisé lors de l’observation de lésions diffuses ou d’un cancer de type invasif.
· L’hormonothérapie sera ainsi utilisée pour des cancers de type hormonodépendants et s’avère particulièrement efficace dans le cas de cancers formés dans des tissus tels que les glandes mammaires ou la prostate.
· La chimiothérapie est une technique de traitement à part entière au même titre que la chirurgie et est caractérisée par l’utilisation d’un cocktail médicamenteux spécifique au patient faisant intervenir des agents de natures différentes des fleurs, ni pleurs, ni couronnes : cette femme n'existe pas.” (Alban Orsini)


(Suite de l’histoire n°4) “Dix minutes plus tard, tous les bruits avaient cessés. Tous étaient pendus aux lèvres d’un spécialiste des ondes qui communiquait avec le responsable du sonar du Thonnier espagnol.
Ils avaient eu gros temps durant la nuit, mais le vent était un peu retombé lorsque Son équipe parvint à joindre le navire. La mer les roulait encore un peu dans tous les sens et ils eurent du mal à se déplacer jusqu’à la source du signal. C’était posé là, à plat sur l’eau et ça montait et ça descendait, suivant la respiration de l’océan. Un gros morceau de tôle triangulaire qui, par un caprice des vagues n’avait pas encore réussi à couler. Entre deux tangages l’équipage put distinguer sur le dessus de la plaque une flèche, le symbole de la compagnie aérienne à laquelle appartenait l’avion disparu. On exulta de l’autre côté du fil, on avait enfin une piste… Elle eut un léger sourire avant de reprendre sa gravité, imposant à nouveau le silence, on n’avait qu’un aileron et rien n’indiquait que le reste de l’appareil fut dans les parages, ni le témoignage des marins, ni un quelconque écho de sonar. Les satellites étaient toujours aveugles, les communications muettes. On n’avait qu’un bout de ferraille qui avait bien voulu ne pas couler trop vite et aucune trace des 200 passagers.
Commencent alors les hypothèses. On examine toutes les possibilités. Tout le monde s’affaire à nouveau, Elle répartit les tâches. Christobal respire enfin. Un groupe d’ingénieurs affinent leur calcul de trajectoires en fonction des nouvelles données, d’autres ramifient les scénarios élaborés pour expliquer la disparition. On parle de ricochet, de défaillance de matériel. On définit des périmètres en fonction de l’heure de disparition.
Et Elle ? Elle s’est redressée. Elle a aboyé des ordres à tous et à chacun. Tout est bien rentré dans l’ordre. Elle peut reprendre sa place, retourner à son trône, la situation lui appartient.
Au loin un téléphone hurle. C’est pour elle. C’est terminé.” (Julien D. assure l’intérim de 008)


(Suite de l’histoire n°5) “Maya se tut et avala sa salive. Sous le soleil de plomb, on n’entendait que le clapotis d’une fontaine ruisselant à côté de la petite piscine. L’homme frisé hocha la tête, il attendait la suite, suspendu aux lèvres de Maya. Elle poussa un profond soupir et reprit : « Je me suis éloignée en courant, j’ai constaté que j’avais la lampe torche dans ma main. Papa avait dû me la tendre et je l’ai prise sans m’en rendre compte. J’ai couru très longtemps, direction précise. Puis je me suis appuyée contre un arbre et j’ai attendu le matin. Mes pensées étaient attirées uniquement vers mon père : était-il resté dans la maison ? Etait-ce lui qui avait mis le feu ? »
L’homme l’interrompit alors : « Votre père vous avait-il parlé du Boulier ? »” (Juliette Sabbah)

Episode 24


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Elle se relève, les yeux farouches, brandissant le petit cube aux angles biseautés, comme Salomé Jean-Baptiste. "Un" s'exclame-t-elle. "Six" et "un". Quelle belle série, "neuf, neuf, huit sept". Il intervient: "Je n'ai pas vu le résultat, donc je ne suis pas certain que ça compte." Sans parlementations, elle relance les dés et fait exactement le même résultat. "Le hasard n'a rien à voir là-dedans" déclare-t-elle."” (Charles M)


(Suite de l’histoire n°2) “Mais il ne pouvait se résoudre à penser que ces années épuisées à apprendre des passes, des gardes, des postures, avaient été usées en vain. Il laisserait donc sa chance au moine errant - lequel choisit cet instant précis pour se retourner sur sa natte et se gratter les fesses. Chan Li Poum détourna son regard et vit le jour se lever. Au loin, la bannière du Shnagri-La flottait dans le ciel comme l’étoile du Nord qui, la nuit, guide les voyageurs, réconfortant avec une douceur toute maternelle ceux qui se croient perdus. Chan Li Poum pensa à ses parents, à leur probable déception quand ils apprendraient son échec et il décida d’aller s’entraîner, sans attendre le moine.” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “Oh non, non, non. J'vais pas vous cassez les pieds avec ça.
Jeudi, oui. Deux ans après le lundi donc, là, exactement.
Il y avait cette question de mutilation. C'était très savant pourtant dans la vraie vie c'était très concret mais pourtant incorrect, et cela disait : ça m'a transformée en monstre de foire. La Femme à Barbe ! La Femme-Tronc. Payez pour la voir, par ici la monnaie, par ici la ferraille : la Femme-sans-Vie, la Femme-plus-Femme, la Femme-Tige, la Femme-Os. Une sorte de Vénus Hottentote inversée : plus de sein gauche, moins de chair, une avarice de peau en doline, M'ssieursdames, venez contempler la balafre (sons d'orgue de barbarie et de cris enjoués, des orgues de verre, des cymbalums, odeurs de barbe à papa et d'arachides grillées dans des cornets, de pommes de terre frites). Vous pourrez toucher si le coeur vous en dit et s'il est bien accroché ! Cette femme a tout perdu. Elle avait un travail, un mari (le Pléthore) et était heureuse. Et puis du jour au lendemain, sa vie a basculé. Puis elle a subit une opération, une chimiothérapie, une ablation d'humanité : approchez, n'ayez pas peur : elle est famélique, c'est incroyable, la lumière passe au travers : elle est un parchemin. Son visage est buriné, pourtant, si jeune est-elle qu'elle avait des choses à vivre avec des joies et un mariage pourquoi pas et de bons et beaux enfants mais pas de fille, pas de fille. Elle est si rongée de l'intérieur et ça se voit tellement à l'extérieur, c'est un régal. Elle est une femme sauvage. Elle évolue dans une forêt : regardez. Elle se fond dans le paysage. Elle se repère grâce à la mousse qui pousse sur le tronc des arbres. Parfois, elle sort pour se désaltérer à l'onde fraîche d'une fontaine puis elle repart, sous les yeux ébahis des villageois. Oh bien sûr, son histoire est triste et tragique, mais regardez avec quelle vivacité elle parvient à danser encore et encore comme remplie d'un feu surnaturel ! Peut-être n'est-elle pas ici ! Elle évolue sous la poursuite, la lumière caresse sa moitié de corps, venez venez mademoiselle, ne jouez pas votre timide ! Autrefois biochimiste, maintenant sujet d'étude : on dégringole si vite. Il suffit d'une cellule. Touchez, touchez ici la cicatrice ici. Allons allons, veuillez allonger la monnaie. Touchez. C'est doux non ? Ne la regardez pas dans les yeux, sinon elle va se mettre à pleurer. Elle a ses petits défauts aussi. Regardez son rift, regardez les plaques tectoniques qui courent le long de son flan, contemplez avec quel acharnement ils ont posé les agrafes. Elle est si belle non ? Et pourtant si foutue...

Il n’existe pas de traitement valable pour l’ensemble des cancers tant chaque cas parait unique, de par la médication qu’il nécessite et le suivi qu’il initie.
Deux types de traitements peuvent néanmoins être mis en exergue : les traitements à visée locale, lorsque le cancer est bien localisé sous forme de tumeur isolable, et les traitements à visée générale.
Les traitements à visée locale :
• La chirurgie cancérologique consiste en une opération qui permet l’ablation directe de la tumeur. Généralement, elle oblige les chirurgiens à effectuer un curetage autour d’elle (de plusieurs centimètres) afin d’éviter toute reformation de la tumeur.
• La radiothérapie permet également, par rayonnement, de traiter les tumeurs ayant un volume déterminé et limité.” (Alban Orsini)


(Suite de l’histoire n°4) “- C’est sans doute un leurre, jeune homme, fit remarquer Ramirez. Un écho comme nous en avons eu de nombreux cette nuit, et que vous auriez identifié tout de suite pour ce qu’il était si vous ne vous étiez pas endormi.
- CE N’EST PAS CA CHRISTOBAL, BIEN ENTENDU.
- Pppprrobablement non
- Probablement quoi ?
- Un Echo ?
- C’en est-un ?
- Probablement … euh… nwonnwww
- IL A DIT NON.
- Il n’a rien dit.
- SI, VOUS AVEZ TRES BIEN ENTENDU. JE RÉPOND DE MON HOMME
- Vous n’allez pas penser qu’un bête écho provenant d’un navire de pêcheurs soit une piste valable
- ET POURQUOI PAS ? VOUS LAISSERIEZ CREVER 200 PERSONNES EN ÉCARTANT UNE HYPOTHESE OBSCURE, JUSTE PARCE QU’ELLE VOUS DEPLAIT ?
Elle savait que ses arguments ne valaient rien, mais après une nuit comme celle-ci, l’autre n’avait pas mieux à lui opposer et la force naturelle de sa voix fit le reste. Le dialogue de sourds dura encore cinq minutes, puis Ramirez repris son masque souriant, tout or et albatre, et concéda le point. Elle le regarda s’écarter à reculons dans son coin, le jaugeant du regard. Il avait de nouveau le portable en main.
- ET ALORS, IL DIT QUOI CE THONNIER ?” (Julien D. assure l’intérim de 008)


(Suite de l’histoire n°5) “Je me suis retrouvée là, à regarder mon père avec sa lampe de poche à la main, sans comprendre. Partir, donc. Mon père me regardait, le visage figé en un masque sombre. Plus rien de l’homme passionné par les pyramides et les grimoires, prêt à se déguiser en Chat Botté pour amuser la petite fille que j’étais. Je raconte ça parce que c’est important pour la suite », précisa Maya. « Je suis donc partie dans la nuit sans lune, après avoir demandé à mon père ce qu’il ferait, le pourquoi de cette fuite. Il avait secoué la tête sans me répondre, les doigts fermés sur le cadenas du cagibi. À peine étais-je sortie que la maison a flambé en un instant »” (Juliette Sabbah)

Episode 23


[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Il cherche machinalement le contact rassurant de son passeport dans sa poche arrière. Peut-être devrait-il retourner au Japon. Là-bas au moins, il a de bonnes raisons de se sentir étranger. Le parfum trouble de la soupe de nouilles bouillante de l'aéroport remonte ses pensées au galop. Perdu dans ces souvenirs, il ne voie pas les contorsions inhabituelles qu'elle fait de mauvais grâce pour tenter de trouver le deuxième dé. ” (Charles M)


(Suite de l’histoire n°2) “Chan Li Poum se réveilla d’heureuse humeur. Il avait certes échoué au concours du Shangri-La, mais il avait depuis cet échec arrêté un plan pour se présenter à la prochaine sélection dans de meilleures conditions: Pied Nuageux le préparerait. Mais, avant d’entamer cette préparation, il lui faudrait convaincre le moine qui, à cette heure-ci, dormait encore sur la natte étendue à côté de celle de Chan Li Poum, débraillé, ronflant, rôtant épisodiquement, se grattant le ventre, qu’il avait poilu et crasseux. A présnet dégrisé, le jeune paysan se demandait si son idée de la veille était si bonne que cela, et s’il ne serait pas plus judicieux de se présenter au monastère pour devenir cuistoit ou artisan: il abandonnerait le gongfu mais, au moins, il serait auprès de ces maîtres qu’il vénérait e dont les savoirs mystérieux, inaccessibles, l’attiraient comme le bambou attire le panda que tiraille la faim.” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “"_Mais bien sûr qu'être chercheur a aidé, que veux-tu que je te dise d'autre ? J'ai bien compris ce qu'était le Ce Que C'est, bien avant qu'on ne me lui donne un nom en forme d'énigme, je ne suis pas totalement : "savez-vous ce que le Ce Que C'est est ? Le savez-vous ? Au moins le savez-vous ?". Je ne suis pas naïve en biochimie mais je suis chercheur en biochimie, alors bien sûr que ça me parle, je suis calée en biochimie. Pas stupide. Bien évidemment.Les grosseurs, je sais ce que c'est lorsque ça a des effets laids. Mais dis-moi Pléthore, est-ce le Ce Que C'est qui te fait me quitter ? Ou bien est-ce la disparition de mon sein gauche ?"
Mercredi. Un an après.
"_Est-ce la balafre ? L'entaille. Dessous le cœur. Toute courbe. Une autoroute. Dessous mon monde intérieur qui tourne et continue de battre mon magma magnétique qui affole les boussoles. Rond. Chapeau pointu. Dessous, mon avenir. Incertain. Véritable. Dessous ma vulnérabilité qui frétille et fait des vrilles. J'ai lu de nombreux livre, je me suis dit que ça serait pas facile, des livres très épais aux pages nombreuses et aux textes longs comme la file d'attente à la caisse d'assurance maladie. Pour nous deux. Je ne suis pas seule. Nous formons un banc de poissons. De poissons mis au ban : les témoignages, c'est au-delà de toutes publications scientifiques ou écriture comptable si on dresse la liste de ce qui nous est dû. En tout cas je ne l'étais pas. Je le savais. Je ne suis pas plus bête qu'une autre. Je suis plutôt intelligente même. On me l'a dit. J'ai une carte de chercheur en biochimie qui paraphrase mon intelligence, ma logique et mon esprit de déduction. Avec ma photo dessus. Ma photo bien cadrée à partir de mon cou et un tampon à l'encre bleue comme tes yeux Pléthore "ne photographiez pas ma poitrine" "cela vous convient-il ?" "oui c'est parfait mais ne peut-on pas un peu remonter ?" "remonter, ce n'est plus la poitrine mais le cou que vous allez cacher, madame" "remontez, s'il vous plait, remontez". Photo d'identité. Mon sein. Sans doute l'ont-ils brûlé dans un four après la biopsie. Comme un vulgaire déchet. MON sein. Tout juste comme un emballage de pizza ou bien un pack de lait. Mon sein. On a enlevé à une chatte ses trois petits, nous les avons ensuite noyés dans le baignoire puis mis dans la benne à ordures devant la maison. La chatte a commencé à tourner en rond, à chercher, chercher, notamment sous le meuble de la télévision, parmi les petits moutons. Elle s'est beaucoup lécher durant quelques jours parce qu’elle ne pouvait pas nettoyer ses petits. Substitut. Puis quelques temps plus tard, elle a de nouveau eu ses chaleurs et a tout oublié. Je ne suis pas pareil. Toi non plus. Comment pouvais-tu me désirer encore ? Comment pouvais-tu aimer cette cicatrice ou bien cette désormais moitié de femme que je suis ? Je sais bien qu'on m'a enlevé quelque chose, je ne peux rien faire contre ça, tu sais. Je ne peux pas lutter. Si j'avais pu, tu penses bien, je ne me serais pas laisser faire. Le ganglion sentinelle, celui qui fait les cent pas et qui peut te tirer dessus. J'ai pas la clé pour le faire revenir tu sais comme j'ai pas la clé pour t'empêcher de partir. Pour la chaleur de tes bras, le rebondi de ta braguette qui résonne du passé comme le clavecin pour le piano, un écho de ce qui fut. J'ai pas la clé pour que tu te sentes de nouveau sur mon sein comme dans une maison. Je peux te construire, avec mon absence de sein, une sorte de cabane,un cénotaphe très en la mémoire de ce que nous avons été l'un pour l'autre. Le vide, on le remplit bien avec ce que l'on veut. Alors oui, tu peux bien choisir de me laisser, mais j'apprécierais bien assez que tu restes, tu sais, hein, ma Pléthore de moi."
"_ Je te laisse les clés sur le meuble. Au revoir. Prends soin de toi".

Notons également que certains facteurs de promotion peuvent accélérer la prolifération d’un cancer en exerçant de nombreuses modifications et dérèglements. Parmi ces promoteurs, on peut citer :
• la nutrition, l’alcool et certaines amines présentes dans le tabac
• les infections ou les traumatismes répétés
• la participation de certaines hormones (notamment pour les cancers dits hormono-dépendants tels le cancer de la prostate, de la thyroïde, du col de l’utérus…).
Par conséquent, considérer le cancer comme une seule maladie serait une erreur tant les mécanismes et autres facteurs entrant en jeu sont nombreux. Le cancer doit être considéré comme une somme de pathologies dont il convient de combattre les différents symptômes en combinant de multiples thérapies
complémentaires. Pour ce faire, la médecine dispose de nombreuses stratégies et différents traitements à portée plus ou moins locale suivant l’importance et le type de cancer.” (Alban Orsini)


(Suite de l’histoire n°4) “- Hey, j’ai quelque-chose !
Christobal émit un cri et sursauta en s’éveillant. L’Amiral se retourna un instant. Profitant de sa distraction, Elle en profita pour se mettre hors de portée, bondit de son siège et vint se placer derrière l’analyste. Ça pouvait être n’importe quoi, elle saurait bien s’en contenter, faire d’un pet de mouche une donnée significative.
« ALORS ! QUOI ? »
Tous les regards se tournèrent vers la pauvre carcasse de l’aiguilleur. Il avait du rêver très fort pour pousser ce cri, mais son écran était désespérément vide. Désespérément ? non. En fait, les choses avaient bougé durant les dernières heures. Comprenant que son avenir était en jeu, il se força à ne pas sentir les regards qu’on braquait sur lui. Il recommença les mantras, mais intérieurement. Jesuisdansmonélémentjesuislàoùjedoisêtreetpasailleursjesuisindispensablejedoisparlerjedoisdirecequejesais
Il voyait le monde sur un écran, et dans le flot des statistiques, des coordonnées sur la grille terrestre, il y avait un écho, un petit bout de quelque-chose qui avait renvoyé un signal à un capteur et qui apparaissait – depuis combien de temps ? - sur l’écran de notre héros, quelque-chose de trop significatif pour être un parasite, peut-être un parasite d’acier, une vieille coque poussée à la balade par le jeu des marées.
- J’ai un signal, un écho repéré par un navire de pêche qui nous a transmis une série de coordonnées. Ils se dirigent vers la source…” (Julien D. assure l’intérim de 008)


(Suite de l’histoire n°5) “Nous nous sommes retrouvés dans le noir. Tout autour de la maison, c’était le silence, on n’entendait plus que le « BZZZZZZ ! » du téléphone. Mon père, brusquement tiré de la lecture de son livre, a saisi le combiné. Je ne pouvais pas le voir, ni entendre la voix qui parvenait à son oreille. Après un long moment – qui m’a semblé une éternité – j’ai entendu un clic métallique. Il avait raccroché. Je l’entendis se diriger à tâtons vers le cagibi où il mettait ses outils, il tourna la clef dans la serrure et fouilla dans le noir jusqu’à trouver une lampe de poche. Quand la lumière se fit, il me regardait fixement à travers ses lunettes à écailles. « Tu dois partir, et vite », prononça-t-il. ” (Juliette Sabbah)

mercredi 7 mars 2012

Episode 22

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Elle s'assoie en tailleur sous son regard faussement détaché. Elle lance à nouveau les dés, qui rebondissent avec violence et s'écartent à grands bons l'un de l'autre dans des directions imprévisibles. L'un d'entre eux fait un six, l'autre est dissimulé par un pied de table. Il voit l'écran de son téléphone s'allumer, par terre. Un numéro japonais. Quelle heure est-il, à Tokyo? La machine lui propose "répondre" ou "ignorer". Il ignore. ” (Charles M)


(Suite de l’histoire n°2) “Mais comment escalader cette montagne dont le sommet, au-delà des nuages, lui semblait plus éloigné que jamais, lui que sa misérable déconfiture avait jeté plus bas que terre? Il lui fallait un maître. Il lui fallait quelqu’un qui connaisse les usages, ce qui se fiat, ce qui ne se fait pas, ce qui séduit les juge, ce qui leur inspire du mépris. Il tournait cette idée dans son esprit, ne prêtant qu’une oreille distraite aux ruminations de Peids Nuageux, quand la solution lui apparut, évidente: pourquoi courir le monde quand, à sa table même, il avait, à défaut d’un maître, ce qu’il fallait bien appeler un amateur éclairé. Chan Li Poum se mit à regarder avec attention le moinillon. Il n’écoutait pas plus son monologue, mais, examinant son visage, ses mains, ses effets, pour déterminer s’il pouvait faire office de maître. Il déciderait le lendemain, après avoir dormi sa nuit. Cette résolution lui inspira joie et espoir - et Pieds Nuageux crut, devant la mine réjouie de son convive, que ses exhortations à renoncer aux concours impériaux avaient fini par pénétrer l’esprit du jeune paysan.” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “Aujourd'hui, nous sommes mardi. Et le "Ce Que C'Est" est connu depuis une semaine. Depuis que le médecin a dit : "je sais ce qu'est le Ce Que C'Est" et le mot est sorti de sa bouche, et le mot s'est mis à ricocher sur les murs, sur ses diplômes, sur ses bouquins rouges _Vidal_ vital_ et sur l'odeur d'éther et de détergent qui règnent dans le cabinet, et le mot s'est mis à divaguer : "je suis le mot qui est le Ce Que C'Est, je suis le mot qui donne du sens à tout ça, je suis le mot. Je suis Ce Que C'Est", et le mot s'est mis à donner une direction à ma vie, à lui donner du sens, comme la mousse sur les arbres qui indique le nord. "Je suis le mot qui est le Ce Que C'Est, je suis le mot que tu as tant entendu autour de toi sans savoir vraiment qui il était, je suis le mot qui a un visage, je suis le mot qui a désormais un goût, une odeur, une réalité. Je suis le mot qui va te faire vomir, je suis le mot qui va te faire pourrir, je suis le mot que va te voir dépérir. Je suis le mot qui te fera sèche, je suis le mot qui fera pleurer tes proches, je suis le mot qui te fera me haïr, je suis le mot si simple qui fera l'habitude, je suis le mot qui te dispensera de tout, je suis e mot qui te dispersera, je suis le mot qui est le Ce Que C'Est". Pourquoi se faut-il qu'une seule lettre les sépare ? Pourquoi se faut-il que ces deux-là soit si proches ? Du r de regain, je construis du mot "mot" la mort. "Vous avez un". "Vous avez un". "Vous avez un". Pourtant, j'avais l'étrange impression parallèle que ce mot n'avait aucun sens et d'être en train de vivre autre chose sur une île ou bien une plage déserte. J'avais l'impression d'être en vogue sur un bateau. Dans des bras, ou la tête sur un oreiller. Dans une forêt, un endroit très calme loin d'une autoroute ou des poids-lourds. J'avais l'impression de ne pas être présente et de ne pas m’inscrire dans une réalité. "Vous avez un". Deux, trois, quatre... J'avais la tête ailleurs. Loin du Ce Que C'Est. Je regardais par la fenêtre la Lune qui était là en plein jour. Bleue pâle dans le bleu moins pâle du cil et les nuages. Ai-je écrit "cil" ? La Lune est un œil-leurre qui m'éparpille et m'éloigne du Ce Que C'Est. Un temps. Celui nécessaire à une larme pour couler. "Nous allons mettre en place un protocole ". "Il ne semble pas encore invasif". "Nous allons poursuivre les examens". "Plus approfondis". "Ne vous en faites pas". "Continuez à faire ce que vous faites d'habitude".
Et j'ai repensé à l'ampoule électrique qui avait claqué il y a de cela une semaine. Puis : les choses claquent. C'est ainsi. Rien n'est immuable. Rien ne reste.
"Ne t'en fais pas" _ c'est le mari_ "ne t'en fais pas, je suis là". "Je serai toujours là". "Je suis ton Pléthore, tu t'en souviens" _ "oui, je me souviens bien...".
Mais ça fait peur. Il ne faut pas croire que ça ne fait pas peur. Il y a des fois où le Ce Que C'Est est très présent et d'autres où il l'est moins, mais le Ce Que C'Est est toujours là, à l'affût. Comme un prédateur. Je commence à peine à le comprendre et il ne m'a fallu qu'une semaine. C'est un combat. Qui commence.
J'ai téléphoné à ma mère "Maman, j'en ai un. Je l'ai. J'ai un Ce Que C'Est". Sur une boîte vocale : je me suis sentie si pathétique. J'avais oublié qu'elle était en Egypte, en voyage organisé par le CE de la mairie.

En résumé, il existe de nombreux mécanismes permettant de contrer le développement d’un cancer. Dans de rares cas, la cellule cancéreuse peut proliférer dans l’organisme mais pour cela, il faut qu’elle acquière :
• l’indépendance vis-à-vis des facteurs de croissance nécessaires pour leur mitose (les cellules cancéreuses possédant un pouvoir mitotique bien supérieure aux cellules saines leur autorisant un accroissement et une prolifération excessivement rapides)
• la perte d’inhibition de contact
• la modification des facteurs membranaires (acquisition des propriétés
destructrices locales ou au contraire de stimulation) pour leur permettre de
se déplacer (prolifération métastatique notamment).
L’absence d’une seule de ces propriétés peut entraîner l’arrêt du processus cancéreux.” (Alban Orsini)


(Suite de l’histoire n°4) “Ce fut une nuit épique qu’ils passèrent tous à se battre contre les éléments, les circonstances et les hommes politiques. On scruta les la moitié du pacifique sud à l’aide de satellites ultra perfectionnés, le nec plus ultra de la technologie chilienne. Elle avait fait jouer ses contacts à l’étranger et, durant une heure, l’un de ces méga satellites américains, capables de voir une fleur au bout d’une branche de cerisier, zyeuta de son orbite les alentours de l’Ile de Pâques. Les téléphones sonnaient, les analystes analysaient, les computeurs compilaient, les spécialistes des télécommunications lançaient des messages aux quatre vents, les parlementaires, réveillés pour l’occasion, eux, ils firent comme d’habitude – ils parlèrent et ils mentirent, en même temps bien entendu, c’étaient les meilleurs de tous – et Elle, de son estrade, restait impassible. La nuit l’avait rendue silencieuse. Elle était aux aguets, attendant une étincelle, une lueur, un signal un bip, n’importe quoi qui lui permettrait de conserver la situation en main. L’obscurité passa et le retour de la lumière du jour confirma que les teints blêmes n’étaient pas l’effet des néons. Le sommeil s’installait progressivement. Il avait commencé par Christobal, terrassé depuis plusieurs heures déjà. Les yeux ne s’ouvraient plus bien, on les frottait vigoureusement. Seul l’amiral Ramirez, le gradé de l’armée de l’air, gardait un côté pimpant dans son uniforme impeccable. Il raccrocha son portable, CLAP ! tout le monde sursauta, il se composa un sourire d’or et d’ivoire et s’approcha à pas mesurés de l’estrade. Ses poings se serrèrent alors qu’elle le voyait arriver, elle savait, l’idole allait tomber. Elle avait failli, elle devait déchoir.” (Julien D. assure l’intérim de 008)


(Suite de l’histoire n°5) “Maya baissa le regard vers les paumes de ses mains et poussa un profond soupir. « Notre maison », commença-t-elle. « C’était la nuit. La nuit noire, une nuit sans lune. J’étais avec mon père, il veillait comme il a l’habitude de le faire à lire ses vieux bouquins sur l’Egypte des Pharaons. Ses vieux grimoires, je les appelais. Nous étions seuls dans la maison, ma mère était partie dormir chez sa sœur, comme ça lui arrivait souvent quand elle se sentait étouffée dans la maison. Moi, cette atmosphère poussiéreuse ne m’a jamais dérangée. On était dans le salon éclairé d’un lustre à différents étages. Je n’oublierai pas ce lustre. Quand le téléphone a vibré (« BZZZZZZZZZ ! »), il s’est détaché tout seul du plafond, comme s’il obéissait à un ordre, et il s’est brisé sur le sol en mille morceaux. ” (Juliette Sabbah)

lundi 5 mars 2012

Episode 21

[Les cinq paragraphes ci-dessous appartiennent à cinq feuilletons distincts. Ces cinq paragraphes ne se suivent pas - mais font suite aux précédents épisodes des mêmes auteurs.]


(Suite de l’histoire n°1) “Elle étend un bras et passe le dos de sa main contre sa joue, approche son visage du sien et glisse vers son oreille. La douceur calculée de ses gestes le fascine comme on charme un serpent. Le moindre de ses sourires disperse ses appréhensions et lui donne envie de plaire. Il lui en voudrait de ce pouvoir immérité, si elle n'était pardonnée de tout par avance. ” (Charles M)


(Suite de l’histoire n°2) “Chan Li Poum écoutait le moine d’une oreille distraite. Qu’en savait-il, lui, moinillon pouilleux, de ceux que pensent les maîtres? Comment ose-t-il douter de la justesse de leur verdict? N’ont-ils pas été placés là par le Ciel même (avec le concours d’un sous-préfet et de leurs fortunes familiales)? Que faire? Comment vivre jusqu’au prochain concours? Devait-il renoncer au gongfu? a quoi servirait-il de pratiquer cet art s’il n’est pas dans une école? on n’a jamais vu de maître sans école. Le feu du combat, le désir d’apprendre, étaient encore forts en lui. Mais à quoi bon? Il lui fallait un titre, une autorisation pour pratiquer. Il ne peut y avoir de maître errant, comme il ne peut avoir de philosophe errant. L’école est tout. Hors d’elle, il n’y a rien. Le vaste monde est vide, le vaste monde ne reconnaît pas les talents, le vaste monde ne donne ni diplôme, ni titre, ni licence, ni maîtrise, ni doctorat, ni magistrature, ni mandature, ni sous-préfecture. Il devait se présenter au prochain concours.” (David M.)


(Suite de l’histoire n°3) “Se réveiller, après un rêve dans un rêve dans un rêve dans un rêve. Matriochkas. Une impression étrange et dérangeante. Allumer la lumière. L'ampoule qui claque. Un bruit net et mat comme. C'est une chose ardue de céramique. Ne plus trop savoir. Nous sommes lundi. Comme tous les jours depuis maintenant des semaines, je ne me sens pas bien. Ou plutôt, je ne me sens pas très bien. Ou plutôt je pourrais mieux me sentir. J'ai mal à la tête. Je prends de l'aspirine pour que ça passe. J'ai les traits d'une vieille personne. Les membres en béton. Le plomb, on se trompe tant, est en fait, il est vrai, très léger. Mon mari me dit : "prends de l'aspirine, et ça te passera" ce à quoi je réponds : "j'ai pris rendez-vous avec le médecin demain". Alors mon mari me regarde et sourit. "Ne t'inquiète donc pas, P'tit Chat".Et il me prend dans ses bras et je m'y sens bien. Il me rassure. Le gonflement de sa braguette contre ma hanche me rassure aussi. Je m'y colle un peu, juste pour qu'il sache que je sais qu'il est un monde et que je m'y sens bien, qu'il est une planète, une lune, un outil cosmique, un compas, une boussole, un sextant et que je l'aime tant. Que je l'aime pour ses bras et sa braguette gonflée contre ma hanche. Que je l'aime pour ses attentions. Pour son odeur. Ses défauts. Que je l'aime pour les poils de son dos. Parce que c'est bien et c'est simple. Je l'appelle ma Pléthore. Parce qu'il est tout et un peu plus et il s'en va travailler avec son cartable de postier "t'as un cartable de postier" "arrête donc de te moquer tu veux ! ". Il m'embrasse chastement sur la bouche. Nous appelons ça nos baisers "pop". Et il ferme la porte. Et je tourne le verrou. Puis je rejoins et les toilettes. Puis je me penche et la lunette. Puis je m'enfonce deux doigts au fond de la gorge pour vomir parce que je me sens nauséeuse et que ça va toujours mieux plus ainsi avec deux doigts et soulage. Puis je déambule quelques instants un peu dodelinante, un peu distraite, dans le couloir qui relie le salon à la chambre à coucher "à Paris, les loyers sont trop élevés, nous devons nous contenter d'une petite surface" "avez-vous pensé à faire installer une porte blindée à quatre serrures ? Vous êtes à Paris, et vous savez, Paris..." "à poussants ? " "quoi ? " "les portes..." "à poussants, oui, à poussants, quoi d'autre ? Multi points... bien sûr... vous y avez pensé ?" "oui Maman" "je dis ça pas ça méchamment tu sais" "je sais Maman. Bonne journée maman". J'ai pris quelques jours de repos. Je n'étais plus efficace. Je n'étais plus là. Et c'est ainsi que je vais me recoucher un peu. Parce que je suis assez pas très bien. Et que j'ai le choix dans cette grande journée où je n'ai rien à faire. Et j'ai soif. Et sous les draps, je palpe un peu la grosseur sous mon sein en espérant, en espérant, en espérant, en espérant, en espérant, en espérant....

Le cancer est par définition le résultat d’une prolifération cellulaire anarchique. Cette prolifération est généralement initiée par une modification au niveau de l’ADN, le plus souvent par mutation d’une ou de plusieurs bases constitutives de la double hélice. Sous l’effet d’un agent initiateur (des agents cancérigènes tels que les produits chimiques, les virus ou certains rayonnements UV par exemple), cette base est soit remplacée par une autre, soit directement supprimée. Dans la plupart des cas, de telles mutations affectent des secteurs de l’ADN qui, bien que très spécifiques à chaque individu, ne codent pour aucun gène. Ainsi, ces anomalies n’ont aucune répercussion biologique. De plus, l’organisme possédant des outils qui permettent de réparer ces mutations (des gènes spécifiques contrôlent en effet la parfaite intégrité de l’ADN transmis), ces dernières sont en quelque sorte effacées, ce qui assure une restitution ad integrum de l’ADN.
Il peut également arriver que ce soit les gènes des molécules chargées de la réparation de l’ADN qui se retrouvent affectés, influant directement sur la réparation cellulaire en la rendant de ce fait incomplète voire impossible. Ainsi, on retrouve une atteinte de ces gènes régulateurs dans la plupart des cancers humains par mutation des gènes suppresseurs de tumeur (comme par exemple la protéine p53 ou la protéine du rétinoblastome pRB).
Néanmoins, il arrive que certaines anomalies ne soient pas détectées mais la formation et la survie de cellules cancéreuses demeurent plutôt rare en comparaison du nombre infini de divisions cellulaires.
La présence d’une ou d’un petit groupe de cellules cancéreuses ne suffit cependant pas à elle seule à générer une tumeur. Si la cellule affectée n’a pas eu le temps d’être réparée avant la division cellulaire, l’anomalie n’est pas obligatoirement transmise aux cellules filles. La cellule possède effectivement un dernier mécanisme permettant la non prolifération de l’anomalie, à savoir le suicide par mort cellulaire ou apoptose.” (Alban Orsini)


(Suite de l’histoire n°4) “Elle avait installé son QG dans une salle autrefois utilisée pour les réunions de crise et qui n’avait pas servi depuis bien longtemps. Du haut de l’estrade où elle présidait l’assemblée, Elle regardait l’armée de gratte papiers s’activer, le teint blême sous l’effet combiné des néons et du stress. La première crise de sa courte mais impeccable carrière.
Christobal avait fini par faire taire ses récriminations. Elle l’avait amené avec Elle et il travaillait désormais avec un groupe d’analystes. Ses excuses stupides avaient fini par Lui taper sur le système provoquant une réaction épidermique à ce petit bonhomme, à tel point qu’elle le considérait désormais comme l’origine de la disparition de l’avion. S’il n’avait pas détourné la tête, qui sait si le signal n’aurait pas tout simplement continué sa route jusqu’à Santiago.
Elle le regarda, avec son gilet déboutonné et sa chemise tachée... Elle le détestait. Cette mèche grasse, cette face de lune et ce regard fuyant... Deux cent vies peut-être perdues, tout ça à cause de ce minable qui ne pouvait pas boire sans s’en foutre partout, qui passait son temps à se persuader de sa bonne foi. Elle l’aurait volontiers giflé, cet abruti qui n’avait pas pu rester concentré quelques heures, qui n’avait pas su, de la seule force de sa volonté, maintenir l’appareil sur son cap, contre vents et marées. L’infâme salopard avait sacrifié leur réputation à tous en l’échange d’une gorgée de jus de chaussette. Oh oui, elle brûlait de décharger sa colère sur lui, mais son temps était compté et quand les officiels des différents ministères firent leur entrée avec, au milieu, un gradé de l’armée de l’air, elle sut qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps avant qu’on ne la dessaisisse du contrôle des opérations.” (Julien D. assure l’intérim de 008)


(Suite de l’histoire n°5) “L’homme frisé l’attendait, assis sur une petite chaise de jardin. Il jouait distraitement avec le porte-clefs la chambre, perdu dans des pensées lointaines. Maya s’approcha et lui toucha l’épaule de la main. Il leva les yeux et son regard s’éclaircit. « Par quoi allons-nous commencer ? » demanda-t-elle. « L’incendie » dit-il. « Racontez-moi ».” (Juliette Sabbah)

samedi 3 mars 2012

Page 4 (Juliette Sabbah)

[Compilation des épisodes de la semaine, formant la page 4 du texte de Juliette Sabbah.]



Maya se rendait bien compte qu’elle était en train de réaliser ce qu’elle cherchait précisément à éviter : exécuter les ordres de ce Boulier qu’elle était censée fuir. Mais c’était comme si, depuis le BZZZZ de l’avion, elle s’était sentie aimantée par cet homme frisé comme un mouton. Elle sentait par ailleurs qu’à l’hôtel du Dauphin, les masques allaient tomber. Peut-être finirait-elle même par connaître le nom de l’inconnu…

Ils entrèrent dans le hall de l’hôtel baigné d’une lumière lugubre. En fait d’animaux aquatiques, une unique tortue somnolait au fond d’un aquarium placé dans un coin. Maya déglutit, mal à l’aise.
« On aurait mieux fait de camper », grommela-t-elle, espérant vaguement qu’adopter une attitude bougonne lui remonterait le moral. Elle récupéra une clef, attachée à un porte-clefs dont la forme lui rappela le médaillon scarabée de son compagnon de voyage. « Il y a une vue sur le jardin ? » s’entendit-elle demander, se sentant aussitôt ridicule. Un jardin, comme si quelque chose pouvait pousser sous ce soleil de plomb. « Bien sûr madame » lui répondit le réceptionniste avec un sourire. « Et la piscine se trouve au dernier étage ».

La chambre de Maya se trouvait au 3e étage de l’hôtel du Dauphin (elle se demanda furtivement si le dit dauphin se trouvait dans la piscine…) Elle s’assit sur son lit en essayant de remettre de l’ordre dans ses idées : l’avion qui secouait, le Boulier, le vrombissement qui lui faisait invariablement monter des sueurs d’angoisse. Le téléphone sonna, elle décrocha : « C’est moi », résonna à ses oreilles la voix de l’homme frisé. « Venez dans ma chambre, je vais vous expliquer ce que je fais là, vous raconter l’histoire du scarabée et du Boulier. Mais en contrepartie, vous devez me dire comment vous avez échappé à l’incendie ».

Maya garda le combiné en main quelques instants. Elle hésitait. Elle ne voulait plus parler de l’incendie. Mais en même temps, il lui fallait éclaircir toutes ces questions, en savoir plus sur le Boulier et comprendre pourquoi il la persécutait – comment il voyait tout ce qu’elle faisait, comme Big Brother épiant ses sujets à travers un écran de verre… Les dés étaient jetés ; il fallait s’expliquer. « Retrouvons nous plutôt devant la piscine », conclut-elle.

Maya sortit de sa chambre, et donna un tour de clé. Elle dit tourner dans ses doigts le porte-clés en forme de scarabée et se promit de demander à son curieux compagnon des explications à ce sujet. Elle voulait en savoir davantage avant que ses yeux ne se ferment sous l’effet du décalage horaire. Elle devait aussi contacter sa famille, pour les prévenir de l’incendie quia avait ravagé la maison. Sa famille indienne se souviendrait-elle de Maya ? Elle n’avait pas voulu les voir pendant toutes ces années, alors qu’il aurait suffi de prendre un avion, songea-t-elle. L’incendie était en quelque sorte arrivé à point nommé. Quand elle arriva au bord de la petite piscine de l’hôtel, un croissant de lune était déjà visible dans le ciel.



(à suivre)

Juliette Sabbah