samedi 11 février 2012

Page 1 (David M.)

[ci-dessous, l'assemblage des épisodes 1 à 5 écrits par David M. forme la page 1 de son texte.]

Il était une fois Chan Li Poum, un jeune paysan, qui avait longtemps voyagé avant d’arriver au monastère de Shangri-La. Il connaissait déjà le gong fu de la guêpe, et celui du scarabée doré - et son poing était vif comme l’éclair. Mais son chi n’avait pas encore atteint l’éveil, et les enfants de son village natal l’avaient nommé “carpe fumante”, en hommage à la mine contrite qu’il adoptait quand il se trouvait devant un obstacle, comme ce chêne abattu, qui barrait la route du monastère.
Il s'apprêtait à enjamber le large tronc de l'arbre quand la foudre tomba à deux pas de lui, soulevant une épaisse fumée, d'où bondit un moine en haillons. Le moine avait un arc dans une main, une mangue dans l'autre. A son côté pendaient des poissons encore frétillants. Sur son front était peint un troisième oeil. Il regarda avec surprise notre héros et s'écria: "Que fais-tu en travers de mon chemin? Es-tu donc le gardien de ce chêne?
Chan Li Poum, que ce nouveau contretemps excédait, se mit en garde, dans la position de défense du scarabée doré. Le silence tomba su eux. Le vent cessa d'animer les fleurs. Les animaux retinrent leur souffle. Tel un torrent furieux, trop longtemps corseté par une ancestrale digue, Notre héros s’élança et fit pleuvoir mille coups sur le moine qui, sans lâcher sa mangue ou son arc, les esquiva tous. Et, alors que cette pluie se faisait plus rare, le troisième œil du moine s'ouvrit, il lâcha arc et mangue, frappa les épaules de Li Poum, et rattrapa son arc et sa mangue. Les bras du jeune paysan tombèrent, flasques, le long de son corps.
Le moine avait été plus rapide qu'une guêpe. Et, tout aussi rapidement, ses traits s'animèrent, il sourit, son troisième oeil se ferma, et, après avoir ceint son arc, il tapota l'épaule de Chan Li Poum avec bienveillance: "Et estime-toi heureux de n'avoir goûté qu'à mes poings, jeune fou: on m'appelle Pieds Nuageux. Je vais te montrer pourquoi." Le moine fit trois pas en arrière et dessina sur le sol, de la pointe de ses sandales, de petits cercles, qui devinrent vite des tourbillons de sable. Le moine lévitait à présent à un pied du sol. Il ferma les yeux, son troisième oeil s'ouvrit, et il s'abattit, tel une tornade, sur le chêne étendu, qu'il brisa en son milieu, libérant le chemin. Sur le visage de notre héros, le dépit fit place à l'admiration.
Le vent agita les herbes hautes qui longeaient la route et le ciel se couvrit. Le moine reprit: “Jeune fou, il te reste une longue marche jusqu’au monastère. Je m’y rends aussi. Marchons ensemble. Si la nuit nous surprend, nous dormirons à la belle étoile, pour ne pas courir le risque de nous perdre dans ces bois.”


(à suivre)

David M.

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