samedi 25 février 2012

Page 3 (Charles M.)

[Compilation des épisodes de la semaine, formant la page 3 du texte de Charles M.]

Elle reprend: "Le quatre se juxtapose au cinq pour indiquer un manque, une étape à franchir, peut-être une perte à surpasser." Il soupire discrètement. "Le quatre, c'est l'univers légal et froid des abstractions mathématiques. Le point du cinq en fait un visage, lui apporte une âme. Qu'est-ce que tu crois que cela signifie?" Pris de court alors qu'il rêvassait tranquillement à ses options pour le petit déjeuner, il inspire bruyamment.
Il scanne les alentours immédiats de sa pensée pour voir si une petite idée de génie n'y aurait pas été parachutée, tombe sur un vide intégral, et perd quelques précieuses secondes à injurier l'univers sur l'injustice en général et la lenteur de son cerveau en particulier. Rien à faire, l'idée lui échappe. Il prend un petit air de brebis égarée en tordant vers le bas les commissures de ses lèvres. A son regard fixe, il sent bien qu'il est temps de répondre.
Ni la vue sur la ville, obérée par l'immeuble voisin, ni les mouvements doux des poissons d'ornement ne masquaient le blanc qui frappait sa pensée. Si seulement son téléphone pouvait sonner. Peut-être s'endormirait-elle, s'il attendait assez? C'était certainement mal la connaître. Un nouveau mouvement traversa son champ de vision sur la droite et lui offrit une sortie: "Mais qu'est-ce que c'est que ce truc?" s'écria-t-il en faisant un grand geste imprécis.
Ravi de sa trouvaille, il espionne sa réaction mais se heurte à un impassible sourire. Craignant de laisser passer son effet, il renouvelle son geste grandiloquent en direction de l'endroit où il avait perçu un mouvement. Elle détourne les yeux dans cette direction et n'y voit que quelques moutons de poussière égarés contre les lattes. Ses grands yeux s'assombrissent.
"Tu ne veux pas jouer", énonce-t-elle très lentement. "Tu préfères penser à toutes ces petites choses auxquelles tu réléchis tout le temps et qui ne servent à rien, en espérant me jeter de la poudre aux yeux au dernier moment, feindre un sourire ou une larme et me regarder te pardonner et t'admirer mais non, ça n'est plus possible, ça ne marche pas comme ça, en déséquilibre permanent, alors que tu ne fais aucun effort." Il n'a pas tout écouté; il la regarde et se dit qu'il aimerait bien s'en aller. Il tente un sourire.


(à suivre)

Charles M.

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